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Note d'intention
"Galerie labo "HO"

« L’espace de notre vie n’est ni continu, ni infini, ni homogène, ni isotrope. Mais sait-on précisément où il se brise, où il se courbe, où il se déconnecte et où il se rassemble ? On sent confusément des fissures, des hiatus, des points de friction, on a parfois la vague impression que ça se coince quelque part, ou que ça éclate, ou que ça cogne. Nous cherchons rarement à en savoir davantage et le plus souvent nous passons d’un endroit à l’autre, d’un espace à l’autre sans songer à mesurer, à prendre en charge, à prendre en compte ces laps d’espace. Le problème n’est pas d’inventer l’espace, encore moins de le réinventer (trop de gens bien intentionnés sont là aujourd’hui pour penser notre environnement…), mais de l’interroger, ou, plus simplement encore, de le lire ; car ce que nous appelons quotidienneté n’est pas évidence, mais opacité : une forme de cécité, une manière d’anesthésie.»

Georges Perec, Espèces d'espaces, Edition Galilée, Collection l'espace critique, 2015

 

Un dispositif pour voir
 

Tout est dit… et bien dit ! Perec a clairement formulé ce qui se joue dans l’espace où nous vivons, à nous de chercher à le figurer.
 

Ce lieu, la Galerie Labo HO, est un espace dont l’architecture a été travaillée. La combinaison des pleins et des vides, des opaques et des transparents, des fermés et des ouverts, des dedans et des dehors y a été étudiée dans un soucis d’habitabilité mais également avec la volonté de faire espace.
 

Ce lieu, siège de la quotidienneté dont parle Perec, n’existe aujourd’hui qu’au travers de son usage, il a perdu une part de son histoire, avant d’être lieu (1) il était plan, avant d’être réalité il était abstraction.

Nous sommes là au cœur de la matière qui alimente ma démarche artistique : Le basculement qui nous fait passer du réel à sa représentation.
 

L’architecture est le résultat d’une translation qui va du plan au lieu, d’une topographie à la constitution d’une identité, d’une représentation, cartographiée et normalisée, à des valeurs et des habitudes.

C’est dans cet « espace d’indétermination », dans l’entre deux d’un basculement, dans ce vide chargé du potentiel des devenirs possibles que je propose de loger mon intervention.
 

Je vous propose un travail à trois niveaux, ou plutôt dans trois lieux :

- Premier lieu : l’espace de la librairie et de ses annexes.

Il sera question de rendre visible le stade graphique qui a précédé les travaux de construction par une représentation au plafond de la vue en plan des architectes. Représentation inversée, en miroir, des éléments présents en dessous : traits des murs et cloisons au droit des constructions, pointillés des transparences, symboles des portes et de leurs débattements, traits de cote et cotation, désignation des locaux… l’ensemble des éléments graphiques présents sur le plan sera représenté au plafond des locaux.

- Deuxième lieu : L’espace photographique

Il sera question de produire une œuvre photographique dont l’objet ne sera pas de documenter et d’illustrer « L’installation » réalisée au plafond de la librairie, mais de continuer et de compléter la réflexion par un retour à la surface plane de la photographie.

- Troisième lieu : L’espace du livre

Lorsqu’on parle d’espace du livre il est souvent question des lieux où on trouve des livres : les librairies, les bibliothèques, de la configuration spatiale de leur aménagement, mais qu’en est-il de l’espace du livre ? l’espace que contient le livre ? Car le livre est espace (2).

La phrase de Perec en exergue s’applique également à cet espace.

Il sera donc question, dans ce troisième lieu, à partir de la matière photographique accumulée de construire un système de lecture propice à questionner ces différents espaces, celui du plan, celui  de la librairie, celui de la photographie et celui du livre.

Livre d’artiste dont la quatrième de couverture, cartonnée, sera découpée pour simuler la vision reflex de l’appareil photo. Appelant ainsi le lecteur à regarder dans ce cadre ce que d’habitude il se contente de voir.

 

(1)      « Un véritable lieu n’existe vraiment qu’en tant qu’il possède une portée sociale, en termes de pratiques comme de représentations... » Michel Lussault – L’homme spatial.

(2)     « Trouver la présentation capable de conférer au livre la présence » Henri Maldiney – L’espace du livre.

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