Jean-Philippe Astolfi
Photographies
Note d'intention
"Influences"
Proposition en réponse à un appel à candidature pour une résidence FRUCTOSE à Dunkerque.
Pas de thème imposé
http://www.fructosefructose.fr/
L’humaine condition oscille entre le narcissisme d’un je « qui aurait charge de se poser dans son autonomie et son égoïsme logique » (1) et la fascination de l’autre par un moi « qui aurait la charge gracieuse de sortir de lui-même pour rencontrer l’autre » (2) ; la production artistique pose d’emblée l’artiste au centre de ce dilemme.
« C’est à l’étendue et au contenu des relations que l’on mesure le contenu signifiant d’une expérience. (…) L’expérience est limitée par tout ce qui entrave la perception des relations entre éprouver et agir » (3)
Difficile d’être plus concis que John Dewey sur les enjeux posés par la relation entre l’artiste et le spectateur, il y va de la nature de l’œuvre, de sa capacité à (se) transmettre, mais aussi de la place de l’artiste dans les processus cognitifs qui lui sont associés.
« Un peintre […] doit considérer un à un chaque lien entre phase d’action et phase de réception, en relation avec l’ensemble qu’il désire produire. Appréhender de telles relations, c’est exercer sa pensée et cela constitue l’un de ses modes les plus exigeants » (4)
Cette exigence d’appréhension des liens ne concerne pas seulement les relations internes à l’œuvre, celles qui l’alimentent et la structurent mais également celles qui créent la mise en relation avec le spectateur.
Les œuvres « ne sont plus simplement l’événement qui interpelle, facultativement, le sujet pour l’investir de l’extérieur – cette transcendance après tout est tellement condescendante – mais un avènement réel de la relation » (5)
Pas question d’échapper à cette mise en relation, elle est consécutive de l’acte.
« L’art est donc une manière de s’approprier la substance du gâteau rationnel, tout en jouissant du plaisir sensible de le déguster… » (6)
La question de la place de l’artiste dans les jeux de médiations fait l’objet de recherches récentes, elles sont portées par des institutions dont les services « pédagogiques » ont pris conscience des ruptures de transmission et de la place centrale que devait prendre l’artiste dans la mise œuvre des conditions appropriées à une mise en relation effective.
La question aujourd’hui n’est plus de savoir si l’artiste doit ou non s’impliquer dans la transmission des processus créatifs en jeux dans son œuvre mais quelles sont les conséquences de cette injonction à la transparence sur sa manière de faire œuvre.
Ma proposition d’intervention sera double :
- Elle sera d’abord transversale, transformant Fructose, le temps d’une résidence en champ d’expérimentation avec sollicitation des artistes présents sur le site à exprimer ce que cette relation représente pour eux, comment elle s’implémente dans leur travail et alimente leur réflexion. Cette recherche intellectuelle dont l’objet est de questionner la place de l’artiste dans les jeux de médiations qui entourent sa propre production artistique et l’effet « d’injonction paradoxale » qu’elle induit, simulera l’enquête sociologique, elle se concrétisera et sera restituée sous la forme d’une intervention publique dont le format reste à définir (invitation possible d’un intervenant extérieur, théoricien dont les recherches permettront d’alimenter la réflexion)
- Elle sera ensuite personnelle dans les implications que cette réflexion peut avoir sur ma propre pratique. A cette fin un projet « photographique » sera réalisé à partir du matériau présent in-situ (les lieux, les espaces, les artistes, les œuvres, les spectateurs, le personnel, …) Il cherchera à rendre compte de ce travail de questionnement et du potentiel réflexif induit par certaines pratiques photographiques.
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Emmanuel Kant – Anthropologie du point de vue pragmatique
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Emmanuel Levinas – Le Temps et l’Autre
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John Dewey – L’art comme expérience
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Francis Jacques - Différence et subjectivité, Anthropologie d’un point de vue relationnel
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Francis Jacques - Ibid.
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John Dewey - Ibid.